Monday, February 13, 2006

2 articles du monde intéressants.

déficit révélateur

La France a accusé l'an passé un déficit commercial de 26,4 milliards d'euros. Un chiffre record qui vient soulever d'inquiétantes questions sur la santé de l'économie nationale. Le piètre résultat de la croissance à la fin de l'an passé vient aggraver le diagnostic.

Le gouvernement relativise. Le déséquilibre des comptes extérieurs s'explique pour partie par la facture pétrolière grossie par l'envolée des cours du brut. Comme aux Etats-Unis ou en Espagne, poursuit le gouvernement, le déficit serait la conséquence normale d'une expansion. Les ménages consomment beaucoup et importent téléviseurs, jouets et chemises de Chine : ces importations massives creusent naturellement les comptes. Enfin, ajoutent les ministres responsables, le déséquilibre ne porte pas à conséquence. Naguère, il eût affaiblit le franc et forcé à ralentir la croissance pour réduire les importations, aujourd'hui cette contrainte extérieure a disparu grâce à l'euro.

Tous ces arguments ne sont pas vides. Néanmoins, le trou reste ce qu'il est : tout pays en déficit importe du travail des autres, il augmente d'autant son chômage. Mais ce déficit est important aussi pour ce qu'il dit : un défaut de l'appareil de production.

Les chiffres, même si l'on fait abstraction de la facture énergétique, se dégradent depuis 1997. La part de marché des entreprises françaises se réduit. Nos exportations croissent, mais elles croissent moins vite que le commerce mondial.

Pourquoi ? La comparaison avec l'Allemagne est instructive. Notre voisin a regagné la première marche du podium des pays exportateurs grâce à une politique de compétitivité (baisse des coûts) et grâce à son bon positionnement sur les biens d'équipement. Quand la Chine bâtit des usines, les Allemands lui vendent des machines. La France est moins bien placée dans les pays à forte croissance (Etats-Unis et Asie) et elle vend, en dehors des Airbus, des produits dont la demande est moins dynamique (appareils électriques, biens intermédiaires).

L'autre facteur explicatif de la mauvaise situation extérieure tient à un manque d'investissement. La demande intérieure des ménages est forte, la demande extérieure des marchés dynamiques asiatiques ou américains l'est aussi, mais les entreprises françaises n'augmentent pas leur capacité. La cause ne serait pas les coûts de production qui restent relativement compétitifs, mais la rentabilité des firmes, plus faible qu'ailleurs, l'incapacité à promouvoir de nouvelles entreprises susceptibles d'investir les nouveaux marchés et, enfin, l'insuffisance d'innovation et de recherche.

Plutôt que de nier le problème, le gouvernement devrait en reconnaître la gravité et admettre que la médecine requise est de mettre en place une politique franchement favorable aux investissements.




La France inerte, la capital en grève.

La politique du gouvernement Villepin de lutte contre le chômage manque toujours l'essentiel. On a eu un volet social cet été : le premier ministre a réintroduit "le traitement social" du problème, c'est-à-dire le généreux paiement de nouveaux emplois par les contribuables dans le cadre du plan Borloo. Le gouvernement croit à son succès et il se vante d'un début de reflux du nombre de chômeurs. Bravo ! Sauf que c'est occulter que tous les autres pays développés ont connu une baisse semblable des statistiques du chômage. Celle de la France (le taux de chômage passe de 9,6 % fin 2004 à 9,2 % fin 2005) n'est pas plus forte que la moyenne de la zone euro (8,8 % à 8,4 %). On sait, surtout, la limite de cette voie : le coût très élevé pour les finances publiques, déjà très délabrées.


Le gouvernement a ouvert un nouveau front de lutte, plus tenable, cette fois-ci sur le plan juridique. Il modifie le code du travail pour faciliter les licenciements pendant deux ans, en espérant que cela désinhibera les employeurs d'embaucher. L'initiative va dans le bon sens, celui de la souplesse nécessaire dans une économie en mutation. Mais il reste à savoir si le CNE (contrat nouvelles embauches) et le CPE (contrat première embauche) ne vont pas se substituer tout simplement aux très nombreux dispositifs existants (CDD, stages et autres). Verdict dans deux ans, après l'élection présidentielle.

Mais rien n'a encore été entrepris sur le front principal de l'emploi : le gouvernement n'a toujours pas de politique économique. La France souffre d'une faible croissance et d'une absence de création d'emplois privés — les vrais emplois, comme disait Jean-Pierre Raffarin —, mais on ignore toujours le diagnostic qu'en fait l'équipe Villepin. Quelle est la cause de l'atonie ? Est-ce un déficit de demande ou un manque d'offre ?

La non-réponse villepinienne n'a d'explication que politique. Car en France, pays économiquement simpliste, la posture de gauche est de dire que c'est la demande qui a besoin de vitamines et qu'il faut donc augmenter les salaires. En regard, la position de droite est de penser que c'est l'offre, les entreprises, qui manque de tonus. Comme M. de Villepin s'inscrivait dans la tradition gaullo-communiste nationale jusqu'à récemment, il ne tranchait pas. Ni gauche ni droite, avec, au fond de l'âme, un penchant chiraquien anti-entreprises.

Finalement, sur le volet juridique de sa politique, le premier ministre a basculé du côté libéral avec la création du CNE. Il va devoir faire un pas de plus et se déterminer aussi sur le volet économique pour doter enfin le pays d'une politique claire. Car la terrible dégradation du déficit du commerce extérieur (26,4 milliards d'euros en 2005, contre 8,4 milliards en 2004) est un signal d'alarme. Même s'il existe des exportateurs dynamiques qui empêchent de considérer la bouteille comme totalement vide, le trou de nos échanges est révélateur de ce que Patrick Artus et Laure Maillard, économistes de la banque IXIS, nomment justement une "inquiétante inertie" du système productif national.

Malgré une demande intérieure soutenue (les consommateurs avides) et une demande extérieure très forte (le commerce mondial en expansion), "les entreprises hésitent à accroître leurs facteurs de production" : les usines et les emplois. Elles font des efforts de productivité, mais pas de capacité : "Les perspectives d'investissements restent très faibles." Jean-Marc Lucas, économiste de BNP Paribas, confirme : "La majorité des déterminants de l'investissement productif ont paru positivement orientés, en particulier des carnets de commandes plus garnis. (...) Pourtant l'enquête menée par l'Insee sur l'investissement fait état d'anticipation médiocre de la part des industriels" (Bulletin Conjoncture de janvier). En 2006, la demande interne et externe devrait continuer d'être vive, le problème est désormais clairement du côté de l'offre.

Quels sont les motifs de "l'inertie" ? Ce ne sont pas les coûts qui seraient trop chers (comme en Allemagne). Les salaires ne dérapent pas. En revanche, Patrick Artus et Laure Maillard listent quatre raisons. Deux sont connues : la faiblesse des PMI, qui ne parviennent pas à grossir et à exporter, d'une part ; d'autre part, l'insuffisance de la recherche et de l'innovation, qui laisse les producteurs français dans le milieu de gamme. Une troisième est régulièrement évoquée : l'inadéquation entre les formations et les qualifications demandées par les entreprises. Le bâtiment, l'électricité, la distribution... cherchent des bras.

La dernière est plus surprenante. Les résultats des groupes du CAC 40; qui sont annoncés ces semaines-ci, donnent l'impression que les entreprises roulent sur l'or. Faux ! La majorité des entreprises ont des profits faibles et en recul à cause des impôts et charges sociales (et non pas à cause des salaires). La France fait exception dans le monde, où la part des bénéfices a tendance à grossir. Cette faible rentabilité serait alors la source intime de l'inertie française, du faible investissement et, au bout du compte, du chômage. En somme, cela devait finir par arriver : en France, à son tour, le capital s'est mis en grève.

3 Comments:

Blogger Jean-Etienne said...

Très bons ces 2 petits articles...

Mais bon... Ya plus qu'à (lol : "yaka" "fokon") attendre que les politiques aient connaissance de ces problèmes(c'est sans doute déjà fait), puis qu'ils se dotent du courage nécéssaire pour inverser la vapeur.

Et là, c'est vraiment pas gagné...

Heureusement, l'espoir fait vivre.

1:13 PM  
Blogger Jean-Etienne said...

c'est marrant : à regarder ton Blog , on dirait que tu aimerais bien faire partie de la brochette de politiques!...

T'as la tête alignée dans le bon sens :D

(P.S : Je vois que tu es en train de vivre tes premieres galeres d'affichage pour ton Blog, lol. Bravo, c'est réparé!)

3:29 PM  
Anonymous Anonymous said...

Bin oui. Ta conclusion résume la nature du problème : le entreprises (...du secteur concurrentiel) sont plombées par la kirielle de prélèvements obligatoires...dont l'essentiel est redistribué à cette partie de la population qui n'EST PAS soumise à la concurrence économique (rémunération sur objectifs, risque de dépôt de bilan, etc...etc...jusqu'à statut monopolistique).
9% de chômeurs (...indemnisables, au point que certains préfèrent le rester !!! c'est dire si la chaussette est trouée !); 20% des actifs dans la "fonction publique"...Le papyboom à l'horizon...
Comment soigner un tel malade !?! (d'autant que les tentatives de réforme sont depuis 10 ou 15 ans vouées à la rebellion... démago-cratique); Que penser devant un pays où les seniors, inactifs, (qui votent !) vivent mieux que les actifs (lesquels doivent, DE PLUS, élever la génération suivante !!!) ? Qui a DU patrimoine ? Qui va aux sports d'hiver tous les ans ? Qui va dépenser ses pensions/allocs etc... sous les cocotiers ? Pas l'OS de chez Renault ou Peugeot...etc...non eux essaient de résister à VW ou BM...

3:23 PM  

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